Il observe le ciel depuis longtemps Bo. Depuis des millénaires de secondes, des heures qui filent comme le vent. Il a arrêté de compter. Depuis le temps, l’importance n’y est plus. Mais Bo, à trop regarder les cieux, il a vu les filantes zébrées son voile noir, le temps faire son œuvre, les planètes montrer leurs anneaux magiques, être nuit puis être jours. A trop regarder les cieux, il est devenu aveugle de sa beauté. Cette beauté qui ne lui rappelle que misère et peine.
Beauté noir. Mais beauté macabre.
Le ciel, c'est le cimetière de Bo.
Et puis de toute façon, il connait le ciel comme sa poche.
Il sait où sont les étoile des rêves, où sont les étoiles qui volent les sourires et même les étoiles qui contiennent les pleurs du monde, ses larmes et celles des autres. Il ne dira jamais, ne contera jamais, les histoires des étoiles qui s'effacent avec lui. Oui, c'est pour ça qu'il les connait bien. Les étoiles, ses démons à lui.
Alors quelle étoile effaceras-tu ce soir, Bo ?
Celle-ci ? Ou celle-là ?
Ou les deux à la fois ?
Alors, du haut de son nuage d'écume, aussi haut que la cime des arbres creux, Bo tend le bras. Loin, très loin. Un peu plus, Bo. Continue. Tu sais bien qu'elles sont parfois hors d'atteinte les majestueuses, qu'elle te fuit, toi le bourreau.
Pas ce soir.
Il attrape une étoile, l'enserre dans la paume de sa main. Elle brille, luit. Elle le brûle un peu, la coquine. Elle mord sa peau un peu trop blanche, un peu trop fantôme. Il est le fantôme de lui-même. L’ombre de Bo. Il est perdu dans le vide sidéral, dans le néant des étoiles qui n’existent plus. Oh Bo, meurtrier de ces astres, ôte la vie, fane la lumière du ciel.
Mais toi, étoile, qui es-tu ?
Parfois, elle l'intrigue. Parfois, elle lui enserre le cœur à l'émietter, à le faire mourir. Mais là, c'est chaud et doux à la fois. C'est comme un soleil. Ça palpite, ça vie. Elle tambourine. Laisse moi partir Bo qu'elle voudrait crier. Et puis dire, que le ciel tombera sur sa tête bientôt, sur toutes les têtes si il continue à voler les étoiles.
Baliverne.
Le ciel ne sera que noir. Aussi noir que son coeur, que ses yeux, que son sang, que ses pas.
Baliverne, oui.
Il ferme alors la main. Elle s’efface, l'étoile. Elle s'éteint, l'étoile. Elle devient nuit, elle devient poussière de rien. Elle disparait dans le noir, dans la nuit froide. Elle devient tristesse, la victime d’une souffrance invisible dans un cœur qui a trop subi. Adieu étoile. Rejoint Cephée.
Mais tu sais Bo, les étoiles, certaines les aiment brillantes.
Et tu sais Bo, le ciel te tombera un jour sur la tête.
Baliverne.

tu sais, bo, tu t'attaque à un sacré morceau. j'sais pas si tu te rends compte, t'essaie d'effacer l'infini. tu te sens vraiment d'faire ça ? d'aller jusqu'au bout du monde, sans savoir si y en a vraiment un ? à plonger ta main dans les astres pour les réduire en poussière, t'as pas peur de t'enfoncer dans un trou noir ? un trou noir un peu vilain, tu sais, les étoiles pourraient en engager un pour t'attraper. sur la face cachée de la lune, j'suis sûre qu'y a des affiches de recherche "mort ou vif" avec ta tête.
et puis, si t'efface toutes les étoiles les plus proches, tu f'ras quoi après ? t'iras tresser des cordes stellaires en larmes de jolies filles (pour attraper les plus lointaines) ? celles qui hurlent quand t'efface les bijoux célestes. tu sais y en a qui supportent déjà pas qu'on casse leur collier, j'sais pas si beaucoup te laisseront détruire la parure du monde.
cette fois tu pourras rien faire tu sais, face au vide d'là-haut. y aura plus qu'toi et l'homme ciel qui t'fixe dans les yeux. t'as pas peur, dis, t'as pas peur du jugement qu'ils vont t'accorder là-haut ? tu finiras par trembler dès que le grand monsieur fera claquer ses chaussures sur le plafond du monde. c'était la limite à pas franchir, le pas de trop qui te fera t'casser la gueule. tu finiras bouffé par ta noirceur, j'pense que c'est le pire qui puisse t'arriver. ça m'fait pitié pour toi, en un sens. t'es là et tu sais pas quoi faire d'autre qu'effacer les étoiles. t'as personne à qui parler, à la place ? je sais pas moi, tricote des écharpes ? c'est triste, et beau en même temps. c'est comme un appel à l'aide. est-ce que tu vas en laisser quelques unes, dans le ciel ? juste assez pour un SOS. l'appel universel.
derrière toi, c'est l'horreur. elle est là, cosmenotte. recroquevillée dans le creux d'un grand chêne. ça pue la haine d'elle jusqu'à toi. comme un lien secret, un pacte silencieux. juste elle et toi, tu sais. ça pourra pas vous dépasser. c'est trop personnel, tu vois ? les étoiles, c'est chez elle. c'est tout une vie, c'est un autre monde tu sais ? t'as pas l'droit d'y toucher. c'est pas juste. reste chez toi, fous-y la merde, mais t'as pas l'droit d'aller prendre c'qui est pas à toi, t'as pas l'droit de piller les autres et leurs rêves. idiot, idiot, idiot. elle te cracherait à la gueule que t'es qu'un grand con, si tu broyais pas ses mots au milieu des étoiles. et plus les minutes passent, plus les étoiles s'effacent, plus la sauvage se tasse. mais elle finit par exploser, tu sais faut pas pousser, et elle bondit. comme un tigre, comme un lion ou un grand loup.
le grand méchant loup, qui grogne à ton oreille.
graou, graou,
miaou.
tant pis, c'est pas grave, tu sais. si t'efface les étoiles, si tu les broie, alors elle te chassera. de tes yeux à tes mains, de tes poumons à ton cœur à tes lèvres et à ton corps si y a besoin. elle chassera jusqu'à tes pensées, tu sais, si ça peut lui rendre ses étoiles.