danny,
ça pourrait être une lettre ouverte si l'encre l'avait pas coulé à en coller le(s) pa(u)pier(es). ça colle comme la poisse et ça étouffe jusqu'à son cœur. faudrait l'ouvrir, en deux, comme des yeux ou comme des veines, jusqu'à ce qu'y ait un truc qui sorte, comme des paroles ou la mer. la mer qui t'sort des veines, ça doit être beau, même si tu sens la houle jusqu'aux poumons.
les pieds sauvageons passent d'arbre en arbre et se balancent dans le vent. elle a jusqu'au parfum des plantes dans les cheveux, des bourgeons de roses aux coins des lippes. ça fleurit quand elle s'envole entre deux branches, d'un chêne à l'autre. ce soir, pas de lance. rien à offrir. ce soir, elle se laisse dompter.
elle ne l'a plus fait depuis longtemps. je crois avoir vu la silhouette du chien l'attendre en vain.
elle venait en poupée invisible, avant. elle envoyait du bout d'une lance de la viande, des dessins, des poèmes écrits en verre au fond d'un flacon ou d'une bouteille qu'elle aurait jeté à la mer si elle avait su un jour écrire. quelques cadeaux déposés comme le vent repose les feuilles et elle repart. ce n'est qu'une visite discrète, à peine relevable. une anonyme de plus qu'il n'est pas prêt de croiser dans les cabanes du village.
et pourtant, elle revient. elle ne demande jamais rien - elle vole au plus du sommeil au garçon quand ses pas le réveillent. mais rien de plus qu'une silhouette pour lui. elle passe sa main sur la tête du chien, n'a jamais accroché plus qu'un aboiement.
mais ce soir, elle s'approche.
elle veut : jouer, rire, elle veut toucher le garçon, voir ses yeux même de loin, savoir si il sait sourire ou pleurer. elle veut voir ses mains jouer de la guitare, elle voudrait beaucoup, mais elle commence petit. pénélope s'approche de nuit.
elle approche à pas de louve, s'agenouille devant le chien. elle n'a pas prit la peine de lui amener quoi que ce soit aujourd'hui - c'est elle-même qu'elle envoie. elle s’assoit, s'allonge, court, saute, le chien la suit mais le garçon reste assoupi. elle n'est même pas sûre qu'elle ait rit trop fort pour le réveiller.
cachée derrière sa crinière en fleurs, elle s'en approche. sa main se risque à effleurer sa joue, voudrait aller ouvrir ses yeux. pénélope tombe doucement, le cul contre les pavés. si vient le temps de fuir elle n'y pense plus assez pour s'échapper de l'emprise des grands yeux canailles.

pour une fois, danny a quitté sa maison. non, pas la cabane. la vieille ruine où il a vécu avec sa mère. il a préféré s'endormir sur un banc public. il fait un peu froid pour se permettre ça mais le fait que son chien loge dans le creux de ses bras, ça aide. faut un être un fou, quand même. oui.
danny dort toujours avec cette expression qui donne l'impression d'être un gouffre. profond, sombre, froid. danny fronce même les sourcils dans son sommeil. c'est pour dire. ses nuits sont agitées. quelqu'un aurait-il un remède ? un docteur.
- allô, c'est grave ?
- la tristesse vous ronge, la solitude n'arrange en rien.
- que dois-je faire docteur ?
- appeller à l'aide.

les paupières de danny tremblent. et pendant ce temps, dans le noir s'avance un ange. peut être. une comète qui pourrait raviver le coeur de danny s'il se laisser allez. faudrait d'abord se parler. danny serre du poing, comme pour se raccrocher à quelque chose. mais dans son cauchemar, il n'y a rien autour de lui. impossible d'avancer; de crier, d'entendre. et à la peur aux tripes de voir sa terreur le manger tout entier. danny tremble, de froid aussi. son chien a quitté ses bras pour renifler l'air. le vent apporte un parfum qu'il connait si bien. et dans ses yeux, semble jaillir des étincelles de bonheur quand la silhouette de cosmenotte devient plus nette. le chien s'agite un peu et elle vient saluer son amie. alors, une partie s'installe et le maître reste couché, assoupi et bien loin de la réalité.
doucement mais sûrement la main de cosmenotte effleure le visage de danny. la chien la laisse faire, la connaissant douce.
le cauchemar de danny devient moins sombre, la lumière apparait au bout du tunnel. les recoins s'éclairent.
danny bouge doucement la tête, rien qu'un peu. ses paupières s'ouvrent doucement mais sûrement. et alors, il découvre cosmenotte, assise comme une enfant sage sur le bitume de la place. il la regarde sans bouger, fasciné presque. est-elle là depuis longtemps ? est-elle vraie ?