La vie c'est dur. C'est compliqué. C'est comme une montagne immense et abrupte qu'on doit gravir, escalader pour un jour atteindre le sommet et tomber. Voilà. La vie c'est comme ça. Heureusement, vous avez une famille, vous vous faites des amis, vous trouvez votre moitié et vous agrandissez les rangs en faisant des enfants, et vous avancez plus vite, vous êtes plus grands, grâce à eux. Vous pouvez toujours compter sur quelqu'un quand votre pied glisse de la paroi rocheuse, vous savez que si vous êtes épuisé, il y a surement quelqu'un pour vous aider, pour vous tirer vers le haut, alors ça va, c'est dur mais ça va. Vous êtes chanceux, vous. Oui, vous qui avez une belle petite famille, un e jolie maison, une femme parfaite, des gosses en or, un chien merveilleux, un travail de rêve, une voiture splendide. Vous êtes chanceux vous aussi, vous qui avez divorcé, qui êtes mère au foyer avec trois bouches humaines et deux gueules félines à nourrir, un voisin sympa qui passe de temps en temps, une mère envahissante qui vous aide quand elle peut, un père au cieux mais il était malade donc c'est tant mieux, vous avez un boulot chiant mais vous êtes amie avec vos collègues, donc ça va. Et même vous, qui avez une femme qui aime vivre au dessus de ses moyens, qui avez aucun enfant mais c'est un projet en cours, qui avez deux jobs tellement les temps sont durs. Même vous, qui vous êtes enfuis de votre pays natal pour une terre propice, une terre promise, où vos enfants auront une chance de devenir quelqu'un de bien, quelqu'un d'important. Oui, pour vous tous, vous qui avez de l'amour dans vos vies, ça va. Mais pour les autres, ceux comme Baltazar, les fantômes, ça va pas. Non. Lui, il a perdu deux femmes. La sienne, sa vie, son amour, celle qui aurait été la mère de ses enfants, celle qu'il avait épousée, que sa mère aimait tant, que son père trouvait charmante, celle qui avait un si joli rire, celle qu'il prenait dans ses bras au petit matin, qu'il embrassait tendrement et qui un jour s'est envolée. En quelques secondes elle est devenue blanche, pâle, livide, placide, suicide, homicide. Sans vie. Plus rien. Calme plat. Plus de battements de coeur, plus de battements de paupières. Et il fait quoi Baltazar maintenant ? Il erre. Il essaie de se raccrocher à ses amis, il tente de rester bien attaché à la montagne, il a vu sa moitié tomber du grand rocher de la vie mais lui il tient bon. Il attrape la cheveux d'une autre femme de son coeur. C'est une amie, une femme qu'il aurait pu aimer s'il n'en avait pas rencontrée une autre entre temps. C'est une belle femme, gentille, présente quand il ne va pas bien, quand il se sent seul face à la chute de sa femme. Et lui il est pas là pour elle et il la laisse tomber. Elle aussi, elle tombe, en bas, tout en bas de la montagne. C'est plein de sang, de carcasses, de sacs d'os, aux pieds de la montagne, mais elle s'en fout, elle est grande imposante, elle a peur de rien puisqu'elle terrorise tout le monde autour d'elle. Foutue montagne, qu'il pense Baltazar. Il regarde encore une fois en l'air, au dessus de lui, il y a ce garçon. Celui qu'il voudrait voir comme son fils, un fils qu'il n'a jamais eu et qu'il n'aura en fait jamais. Il est là, il avance malgré la mort de sa mère et Baltazar lui attrape la cheville. Attends-moi petit, faut qu'on le fasse ensemble. Mais il a pas vraiment l'air d'accord le gamin, et puis faut dire que Baltazar s'y ait jamais vraiment bien pris avec lui, avec ce Danny qui avait l'air un peu perdu et en colère contre le type qui essayait désespérément d'être une sorte de père. Mais à quoi bon ? Il est nul en temps que papa, Balatazar. Mais il a envie d'aider, ouais, pour une fois depuis longtemps il a pas envie de voir la mort, il aimerait voir un petit sourire sur le visage bleme du gosse. C'EST TROP DEMANDER QU'UN PEU DE RECONNAISSANCE ?! Qu'il lui crie après, un jour. Mais le petit il doit se demander : Pourquoi lui serait-je reconnaissant ? De quoi lui serait-je reconnaissant. Et Baltazar il le regarde avec ses gros yeux injectés de sang brûlant de rage, de haine, d'incompréhension. Il a envie de frapper dans un mur, ça le démange, mais il faut garde son calme, oui, garder son sang froid. Tu veux pas qu'on essaye d'aller mieux, toi ? Qu'il demande sans crier mais tout de même énervé. C'est pas comme s'ils étaient malades tous les deux, ils sont juste en mal d'amour, quelque part.

il semblerait que danny apprécie la place. il est moins seul ici, en plein coeur du village. alors, il s'y retrouve. la baraque désarticulée est loin derrière. son chien marche à côté, tranquillement. il s'agite simplement quand sa route rencontre un pigeon. l'animal aime jouer avec eux, c'est l'un de ses loisirs favoris. danny l'a bien comprit. danny traverse toute la place et s'assoit sur un banc. il sort de sa poche un paquet de tabac à rouler presque vide. concentré sur sa tâche, danny ne se rend pas compte qu'au loin quelqu'un approche. et pourtant, il ferait mieux de faire attention, d'abandonner l'idée foireuse de se ruiner les poumons. danny s'en fou. il embrase déjà la cigarette et inspire. la fumée s'invite pour un temps dans ses poumons jusqu'à ce que danny décide de les souffler en dessinant des ronds avec la bouche. une main glisse dans ses cheveux. ils ne tiennent pas en place cependant et plusieurs mèches s'invitent à nouveau au devant de ses yeux. danny a abandonné l'idée de les dompter, c'est peine perdue.
danny a soudainement envie d'être contre nature. en se retrouvant pieds en l'air, tête dans le vide. il ferme les yeux pour oublier le sang qui descend jusqu'à son cerveau. la position n'est pas agréable. le banc en béton même agresse son dos mais qu'importe. danny voit le monde autrement. à la fois derrière ses paupières closes et ses pensées. il imagine un ciel éclatant. il imagine l'eau salée battre les pieds d'une falaise. il imagine le sable sous ses pieds. il imagine un crabe en train de marcher sur le bord de plage avant de se faire emporter par la vague. tout s'écroule quand une voix l'interpelle. son coeur est en alerte. c'est un peu comme si le crabe aurait refermé sa pince autour de sa cheville. cependant, quand danny ouvre les yeux il se rend compte. il redescend, un peu frustré. il récupère sa jambe, coupe court l'emprise que possède baltazar sur lui. c'est peu mais bien trop déjà. il a toujours eu l'habitude de s'immiscer dans la vie de sa mère. à se poser là, comme un père. il n'a pas l'impression de gêner ? danny savait bien que clara apprécié mais il ne pouvait accepter l'idée de partager son ange. danny fronce les sourcils, lui fait dos, assis convenablement sur le banc. l'éléphantôme est bien trop culotté, bien trop chiant, bien trop agaçant, bien trop tout. danny croise les bras contre son buste.
ensemble, ensemble, ensemble. il veut en venir où lui ?
danny ne répond pas. il est silencieux, bien trop froid. distant. même quand le papi hausse la voix cela ne le fait pas réagir. balt' doit être déçu tiens. un peu plus.
baltazar est face à lui maintenant. danny est mal à l'aise. supporter son regard est bien trop lourd. il est à deux doigts d'exploser mais coupé dans sa lancée, l'autre questionne. encore.
- tu veux pas qu'on essaye d'aller mieux, toi ?
hein, quoi, comment, pourquoi ?
merde. danny est toujours de mauvaise humeur.
- et puis quoi encore ? c'est si compliqué de comprendre que j'men fou de toi ? tu n'auras jamais se plaisir baltazar. dit-il en insistant sur plaisir. bourré de sous-entendu : posséder danny, devenir quelqu'un pour le jeune homme paumé qu'il est, cette vieille canaille.

Spoiler: