c'est la course au bout de son nez. cosmenotte s'est réveillée plus tôt encore que d'habitude, avec un soleil bien trempé. elle est resté un moment à se demander comment c'était possible. combien de temps faudrait-il pour éteindre le soleil. tu le sais, toi ? tu le sais, toi, la plume ? dis, tu le sais ?
si tu le sais, elle se demande comment tu le lui raconteras. si tu ne le sais pas, elle se demande comment tu le lui raconteras. elle se demande quelle version sera la plus magique; seront-elles les mêmes ? dis-moi, je veux savoir; c'est laquelle la plus magique ? la plus jolie pour accrocher sur la cheminée. la plus sucrée pour pétiller dans la bouche. la plus douce pour s'y coucher dessus. dis, c'est laquelle ?
moi, je te laisserais la raconter entouré d'un millier de bocaux, et je les refermerai aussitôt, et tu me la raconteras encore tous les mille ans d'après. je pourrais en ouvrir un par jour, et me réveiller avec l'histoire du soleil éteint par la pluie. et puis je regarderai le ciel, et si tu dis vrai il n'y aura plus que des étoiles. toujours.
ça serait beau, tu crois pas ? des étoiles tous les jours. si elles sont trop fatiguées, elles viendront peut-être se reposer dans nos bras. tu me la raconteras, celle-là aussi ? en faisant attention à ne pas nous brûler, à ne pas les éteindre.
est-ce que c'est l'amour qui continuera de les faire briller ? dis, est-ce que si on m'aime je deviendrais une étoile moi aussi ?
moi je voudrais que beaucoup de gens m'aiment, et avec un peu de chance je serais plein. je serais pas une étoile, ni deux; moi je voudrais être une constellation. un peu comme orion, tu sais ? moi j'me dis qu'on devait beaucoup l'aimer pour vouloir la regarder dans le ciel tous les jours de sa vie. tu la regarderais, la constellation de pénélope, dis ?
elle sera comment, tu crois ?
est-ce qu'elle sera belle à t'en faire pleurer ou triste à t'en donner l'air pâle ?
celle-là aussi, tu me la raconteras, dis ?
dis, dis,
tu me la raconteras, ma vie ?
elle secoue la tête, le soleil est encore là. les fourmis de ses jambes s'enfuient. elle est encore rouillée, un peu; c'est les rêves qui l'abîment, on dirait une marionnette mal huilée. elle s'élance jusqu'à une nouvelle branche, puis une autre et une autre. ses bruits d'engrenages déréglés font s'envoler les oiseaux.
et puis lui, il n'a pas bougé. elle grince une dernière fois pour apparaître derrière lui. alors monsieur plume, monsieur pluie, qu'en feras-tu de tes jolis mots ?
ses pieds s'enracinent au point qu'elle croit voir les feuilles s'enrouler autour de ses mollets. et pourtant, elle restera jusqu'à éclore pourvu qu'il lui conte le monde.
la voix du grand homme lui parvient sans qu'elle le sache, et pourtant elle devine. pas même besoin de lui répondre, elle suppose que le vent lui apporte le son d'une voix bien plus belle que la sienne.
elle baisse les yeux et la branche craquerait si elle ne faisait pas un avec elle. elle s'assoit lentement, laisse les feuilles suivre ses mouvements et la recouvrir comme une vieille poupée abandonnée.
et puis elle laisse le temps s'arrêter, elle attend que la magie transporte la voix créatrice qu'elle n'entend pas. elle ouvre la fiole de son collier en espérant récolter quelques jolis rêves pour demain.
aujourd'hui et pour mille ans, le monde est sien.