eh toi, là-bas ! bonhomme, retournes toi quand je te parle. qu'est-ce que tu fiches là crapule ? vieille canaille, explique moi un peu. pourquoi tu as quitté la vieille baraque pour cette cabane au fond des bois ? ne sais-tu pas que c'est l'endroit des poètes ici ? il ne me semble pas que tu en fais partie de ce cercle, si ? de quel droit oses-tu mettre les pieds ici ? quoi, que dis-tu ?
- un musicien.
toi ? je n'ai jamais entendu tes chansons. comment est-elle, ta voix ? chantes-tu juste au moins ? ou dois-je craindre une grosse averse pour ce soir ? tais-toi, je m'en fiche. tu es un pseudo artiste, ton talent c'est du carton. tu squattes, un point c'est tout. j'espère que tu te sens de trop, que tu envisages de partir maintenant. tu n'as pas le choix de toute façon. oust ! retourne entre les quatre murs de ta maison qui pue. pars, va t-en et ne reviens jamais, je ne le répéterai pas. je veillerai personnellement à ce que l'accès à cette cabane te sois totalement bloqué.

quelle manière as-tu de me regarder ainsi ? crois-tu un seul instant que j'ai peur de toi ? ne fronce pas trop les sourcils, les rides se longeront bien trop vite sur ton visage d'enfant, l'ami. tu es une vieille canaille danny. rien de plus. une crapule, un bon à rien, le bâtard d'une putain. ton père se serait soucié de toi dès ta naissance s'il avait de l'affection pour ta mère, déjà. mais non, c'était une erreur pour lui. un sacré écart de conduite, mit sous silence pour ne pas avoir trop honte. un salaup de mari, oui. penses-tu qu'il imagine une seule seconde l'hypothèse que tu sois son fils ? dans la rue, cela te prends parfois de regarder les hommes ? tu te prends à rêver que ce soit ce brun monsieur qui passe tous les jours à la même heure sur la place ? souviens toi, celui avec la manette noire, les cheveux bien coiffés, son parfum trainant derrière lui, ses chaussures aussi bien cirées que sa veste brossée et sa chemise repassée. puis sa montre en or. ou alors, tu es peut être le fils du boulanger ? en fait, carla n'a jamais mentionner son nom - fallait-il le savoir. qu'importe. tu n'as jamais voulu savoir qui était ton père. tu n'as jamais souffert de cette absence. bien trop préoccupé déjà par le bonheur de carla. tu aurais voulu la rendre heureuse. elle ne cessait pas de sourire mais tu savais bien qu'elle aspirait à autre chose. pour elle, pour toi surtout. une vie meilleure, moins compliquée. tu l'entendais toutes les nuits pleurer, n'est-ce pas ? elle pensait même que tu pouvais librement avoir honte d'être son fils. mais catin qu'elle était, danny, tu as toujours été un bon garçon. ça ne comptait pas à tes yeux. comme toutes les mères, carla avait mené son combat pour te rendre heureux. toi, son unique enfant. c'est dur d'être parent. et on ne peut juger une éducation, telle qu'elle soit. tu as beau être un voleur, tes actes partaient d'une bonne intention. certes, peu adroites. il y a tant d'autres manières, plus honnêtes. danny ouvre les yeux. tu t'enfonces, là. [...]

sur le plancher en bois de la cabane, tu es reposé. une main posée sur ton chien, tu dors. tes paupières tremblent et ton corps commence à s'agiter. le cauchemar prend place et tu laisses échapper une plainte qui éveille l'attention de brand. le chien se loge entre tes bras et vient relever ton visage brusquement en laissant sur ta joue la trace humide de son museau.
il fait nuit noire et c'est bien sombre dans ton cauchemar.

"Aux orgues, les fantômes
On n'a pas bien vu passer l'ombre
On a maudit chaque seconde
Et les bouts de nous qui se tordent"

Qu'est ce qui amène les égarés au fond de la forêt une fois la nuit tombée? La bêtise, l'audace, l'un ou l'autre, finalement, c'est un peu pareil. Un peu. La tête brune tient sur ses pieds aux chevilles peu stables qui vacillent sur les branches mortes. Elle pourrait les éviter, mais c'est un bruit dans ce silence. Dans le noir des arbres, et dans le vent aussi. Brume fait de la musique.

Les yeux dans la terre, elle heurte quelque chose. Ses mains tâtonnent sur le bois sec, il y a là-dedans une vieille odeur de tabac froid. Un rayon de regard entre les planches, mais c'est noir dedans, autant que le ciel. C'était ça, la cabane aux poètes? Rictus. Ils se couchaient bien tôt, pour des poètes, qu'elle se disait. Alors elle s'assied, comme ça, face à la porte, parce que ses jambes ne la tiennent plus. L'illusion de la fatigue l'assomme, mais elle refuse le sommeil, elle refuse de gâcher ces heures de pénombre et de silence.
Dedans, il n'y a plus de silence. Dedans, quelqu'un grouille de l'intérieur. Elle le sent. Quelque chose, là, frémit. Brume ouvre de grands yeux qui fixent la porte qu'elle ne voit pas. Il fait trop noir. Mais derrière, c'est quoi? C'est quoi, Gwen, c'est quoi cet être qui git là, qui fait trembler les planches? Un monstre? Un loup? Ahah! Un loup!
Il y a un gémissement qui grince, qui grince dans les oreilles, et elle aime bien entendre ça, Brume. Ca la rassure, c'est beau, la plainte. C'est comme elle, ça la fait sourire, ces bruits, ils sont familiers, ces bruits de peur.

Alors, Brume, elle s'avance sur ses quatre pattes, ses quatre pattes de petit animal, et elle se hisse sur la poignée pour ouvrir avant de retomber au sol. Parce qu'elle n'a résolument pas la force de rester debout, ça tourne trop dans sa tête, vous savez, ça tourne, les couleurs et les formes, et les idées. Non, pas les pensées, elles, y'a longtemps qu'elles se sont fait la malle, et tant mieux. Tant mieux, c'est vide. Vide. Vide. Et puis c'est bien, là, à quatre pattes. C'est elle, le loup.
Gwen fait entrer la fausse-lumière de la Lune dans la cabane, et son regard vert cherche le monstre gémissant tapi dans le plancher.

derrière tes paupières closes s'agitent bien des horreurs. des cris, des ombres louches, des fantômes, des coups. ton corps bouge au rythme de ton périple nocturne. c'est l'anarchie, c'est bien trop tout, bien trop rude. cauchemardesque. des mains semblent te retenir. impossible d'avancer. quelque chose dans le fond de ta gorge semble empêcher l'air de passer. impossible de demander à l'aide.
autour de toi, il n'y a rien. juste le noir. la pénombre et de la brume. du brouillard.
il y a parfois un éclair qui jaillit. la foudre est brutale et sur tes joues, l'averse s'invite sans lassitude. quand tu oses regarder derrière toi, l'affolement se décuple. tu sembles totalement prit au piège. il y a t-il quelque part, une issue de secours ? un peu de lumière, une chaleur réconfortante pour oublier ces sueurs froides ? un sos, s'il vous plaît. c'est tout ce dont danny a besoin. maintenant.

dans un murmure, tandis que tu traînes encore dans ta prison imaginaire, tu articules quelques mots.
- aidez-moi.
réveilles-toi maintenant danny, si tu ne veux point périr. perçois tu la bête qui progresse jusqu'à toi ? sens-tu les bras du démon s'enrouler autour de tes épaules ? lèves-toi, un petit effort. quelqu'un peut-il lui accorder un peu d'attention ? quelqu'un peut-il le tirer de là ?

le plancher craque. le chien lèche à présent ta joue danny. brand t'implore pour que tu reviennes. l'animal gémit et laisse échapper de sa gueule un aboiement. derrière vous, la porte de la cabane s'ouvre et alors, apparaît une silhouette. dessinée par la lumière lunaire, elle grossit, progresse jusqu'à où seule désire. brand n'a que faire de l'intrus mais pour te protéger - se positionne davantage près de toi. il grogne, comme un avertissement. le silence se pose quelques secondes et ta main vient attraper son collier. vieille canaille, te voilà enfin. yeux ouverts, front perlé, traits tirés par la fatigue. arriveras tu un jour à mieux dormir ? tu murmures quelques mots à brand qui s'allonge tout de suite après.
la porte entrouverte éveille ta curiosité.
- il y a quelqu'un ? dis-tu d'une voix un peu rauque.

C'est drôle, maintenant, les plaintes du corps qui frappe le sol et le mur s'accompagnent d'un bourdonnement, d'un grondement de cage thoracique. C'est drôle. Ca fait tournoyer l'air, comme ça, il ronronne le vent, jusqu'aux oreilles. Et Brume, elle frissonne, de ce son qui n'est qu'un pour elle, de ce son qui émane sans doute d'un loup alors, de quelque chose de sauvage et de cruel. Elle n'y voit pas assez pour savoir dissocier les deux êtres au fond de la cabane, alors c'est un tout, puisqu'elle l'entend ainsi, puisque son ouïe perçoit un double en un seul, en même temps. Elle croit, même si elle ne voit pas, Brume. Ses mains la soutiennent au-dessus de la poussière et sur les échardes, sur le bois rêche, elle avance en équilibre, à peine.
Une voix monte dans l'agitation, et la plainte devient un appel, une demande, un besoin. De l'aide. Quelque chose d'humain, quelque chose de tendre, un peu. Alors Brume arrête de se diriger vers ce qu'elle ne voit pas, vers ce loup en face ou celui qu'elle est. Elle s'arrête. Et ses fesses viennent se poser sur ses pieds aux jambes repliées, les genoux écartés. Elle n'est qu'une silhouette nonchalante. Presque gracieuse, presque. Ses bras pendent de son dos dressé par la curiosité, l'incompréhension, le flot d'adrénaline qui soulève ses veines.

Mais quel est ce monstre qui parle comme un homme? Eh, non! Il jappe! Il jappe, putain! Gwen a un sourire de nerfs. Un loup, alors, hein? Un homme, un loup, les deux, une bête, une bête hideuse qui pourrait lui briser les os, lui ouvrir les tripes, et peut-être alors seulement, peut-etre, que ce serait fini. Peut-être que là le périple s'achèverai, que ton corps allait traîner sur les dalles poussiéreuses, boisées, foulées par les poètes. C'est joli, elle se dit, quand même. C'est joli, de pourrir ici.
Brume penche la tête, et c'est le gris pâle du dehors qui s'engouffre devant elle, devant ce qu'elle ne voit qu'à peine maintenant. Il y a des jambes et il y a un canin, mais c'est toujours un, dans ce regard trouble, c'est un. Elle tremble.
Mais ah, les crocs dehors, la bête se tait. Est-ce qu'elle s'apprête à bondir? Les muscles de la brune se tendent, prête à repartir en courant dans le sens inverse. Elle sait que son corps la préférerait mourir là, mais, l'heure n'est pas venue, pas encore hein? Et puis défier cette pute de faucheuse, c'est marrant quand même, hein, c'est marrant. Elle sourit, Brume. Elle sourit et frotte ses yeux fatigués. En les rouvrant, le canin a disparu de devant la paire de jambes. Le loup n'est plus, il n'y a que l'homme, alors?
Une voix sombre appelle, encore, et questionne, questionne.
Quelqu'un? Gwen se retourne. Y'a-t-il quelqu'un? Elle hoche négativement la tête. Personne. Il n'y a personne. C'est le silence qui revient, et il n'y a plus de chocs et plus de grognement. La tempête est terminée.
Doucement, elle revient sur ses pattes pour s'approcher, pour voir plus près. Plus près ce quelqu'un-loup qui a besoin d'aide. Son genou se prend dans un quelque chose, pied ou jambe, alors elle se laisse rasseoir sur le sol. Plus près, là, elle lève la tête, et plisse les yeux sous la fenêtre qui filtre ce gris de dehors. Elle n'était que silhouette, la voilà visage. Et elle chuchote.

_Il y a le croque-mitaine!

tu ne supportes pas les nuits troubles danny. malheureusement il n'y a plus maman pour veiller sur ton sommeil. cela fait un bail qu'il n'est plus réparateur. ton corps est fatigué. de toutes ces fois où tu gardais les yeux ouverts. ce n'est pas que la peur qui te laisse éveiller. c'est aussi l'inquiétude, les questions que tu te poses concernant ton avenir. tu cherches du travail mais le temps est dur, les patrons peu confiants. tu demandes simplement un travail. tu rends quelques services quand la chance te souris. c'est peu souvent. tu as de la volonté pourtant, tu es honnête. tu demandes simplement un peu de considération. de la stabilité. tu ne cesses point. tu t'acharnes, sans relâche. tu y arriveras danny.
promis.

à cet instant, tu n'as que faire de ces problèmes quotidiens. tu regardes devant toi en plissant les yeux pour mieux voir. tu sembles apercevoir une silhouette. alors, tu questionnes, sans savoir si c'est l'unique silence qui demeurera ou bien si une personne répondra.

cette fois-ci, un peu de chance. on te répond. un fin sourire se dessiner sur ton visage et tu avances prudemment quand même. pourquoi ? le mot croque-mitaine t'intrigue ? tu trouves cela étrange. ce timbre de voix, ce visage sans nom qui est plus distinct maintenant. mais fascinant. un regard où il est possible de tomber si on s'y plonge. tu le penses. danny, ne recules pas. tu continues à avancer vers la jeune femme qui se trouve là, à chuchoter.

brand s'est assis à tes pieds. il te regarde l'air de dire : qui est-elle ?
mais tu n'en sais rien.
- l'as-tu vu ? demandes tu en posant ta main derrière les oreilles de ton chien.

Brume frotte ses grands yeux charbonneux. Elle baille. C'est crevant, cette histoire. C'est crevant, de vivre, de se traîner la dehors, de se traîner là par-terre, de se traîner là dans la poussière et les clous et le bois rapeux, dégueulasse, qui imbibe le rhum et la bière des troubadours de l'époque. Des troubadours absents. Branleurs.
La brune s'appuie sur ses mains encore, pour se mettre sur ses pieds. Délicate entreprise pour des gambettes sous drôles de produits. Les veines et les muscles et les tendons s'effilochent au-dedans de la peau, c'est de la guimauve. Mais Gwen ne veut plus se salir par terre, elle en a assez de jouer au loup. Alors elle se redresse, là, tire sur le bas de son grand pull délavé, étiré, gris. Et elle s'appuie au mur, comme ça, collant tout son bras et l'épaule. Un morceau de la tête. Elle regarde par la fenêtre. Ses collants sont plus que filés, c'est des tranchées qu'elle a sur les mollets. Ses genoux pissent le sang à travers les fibres. Eh oui. Tant pis. Elle frotte ses yeux.

Dehors, les branches se cognent. Elle regarde ce qu'elle peut, dans ces formes noires indistinctes. Il est là, le croque-mitaine, elle se dit. Il est quelque part. Mais elle hausse les épaules. Elle, le croque-mitaine, elle veut bien le marier. Au moins, elle serait protégée. Il fait plus peur qu'elle!
La voix. La voix.

"_L'as-tu vu?"

Comment? Ah, c'est vrai! Le monstre au fond de la cabane. Elle avait presque oublié. Elle avait presque oublié. D'un geste, elle lui demande d'approcher. Qu'il le voit, le croque-mitaine. Qu'il le voit, là, comme elle, dehors, dans le noir. Dans ce grand tourbillon venteux qu'est la nuit en forêt. Il le verra, n'est-ce pas? Comme un Malevitch.

cette fille est intrigante. l'instant est étrange. tu n'as pas pour habitude de rencontrer des gens aussi énigmatiques. ou à être confronté à des situations pareilles. cette brune aux yeux marbrés de noir, cette fille aux collants troués te semble irréelle. tu la détaille sans chercher à te cacher. elle est bien trop occupée à regarder, là, dehors, où elle seule sait. alors, tu ne te gênes pas, coquin tes yeux glissent le long de son corps. il y a beau faire nuit, l'astre lune arrive à éclairer son visage. il doit être doux derrière tant de maquillage. l'inconnue. la demoiselle aux genoux écorchés pourrait s'appelait n'importe comment que ça lui irait, penses-tu. tu te pinces la lèvre, comme un signe d'hésitation. pourtant, tu avances d'un pas.
de deux.
trois.
puis quatre.
tu es maintenant plus qu'à quelques mètres d'elle. cependant, cette distance qui vous sépare ne restera pas longtemps puisque d'un geste de la main, elle t'invite à approcher encore.
cinq, six, sept.
te voici tout proche d'elle.

soit elle fait semblant de ne pas comprendre où tu veux en venir, ou elle se joue de toi danny. tu gardes le silence, pendant un temps. tu la regarde. tu fini par tourner la tête pour regarder dehors. tu ne vois rien, à part le noir. et puis les arbres groupés comme une troupe militaire. en garde. de quoi ? de qui ? la bête, ce croque-mitaine ?
tu oublies le monstre. tu reviens comme tu étais auparavant. c'est-à-dire, à côté de la brune. brume. tu attends de croiser son regard, encore.
en silence puis ta voix rompt encore le silence.
- je m'appelle danny.
enfin tu rajoutes.
- je crois qu'il est parti. en parlant du croque-mitaine.

Ses pieds raisonnent par terre. Quelques pas hésitants, hésités, feutrés. Dissimulés. Elle soupire, Brume, et ah, il est tout près. C'est vrai. Elle l'avait fait venir là, devant elle. Et enfin, son visage se découvre à la lumière. Brume ne contrôle pas sa mâchoire qui lui laisse les lèvres à peine entr'ouvertes. Son regard la transperce un peu. Il est chaud, il est vrai, il dégage de l'esprit. Derrière ces vitres, il y a une âme. Gwen frissonne à cette idée. Il y a si longtemps qu'elle n'a pas regardé quelqu'un? Quelqu'un qui ne se cachait pas?

Ses yeux fuient encore vers le dehors, et le temps qu'elle eut tourné la tête, le noir avait changé. Elle ne voit plus le croque-mitaine hallucinatoire. Elle ferme doucement ses bras sur sa poitrine, frottant ses épaules de ses mains recouvertes de manches. Une main s'échappe, comme ça, et vient s'engouffrer dans la lourde chevelure pour dégager son visage.
La voix. Sa voix. Bien sûr. Danny hein? Danny. Elle sourit, comme ça, continuant à chercher dehors. Parce que quand même, ce croque-mitaine n'avait pas pu disparaître. Elle aurait voulu qu'il le voit. Mais il croit qu'il est parti. Alors il la croit, aussi. Il sait qu'il était là, n'est-ce pas? Il le sait!

Brume se redresse un peu, le regard presque pétillant. Il n'avait pas dit qu'elle était folle, non, il avait regardé ses pupilles et il avait adapté sa réalité à la sienne, ce Danny. Elle lui sourit, à cette drôle de canaille de la nuit.

_Gwendolyn. Enchantée. Fit-elle d'un jet de voix moins murmurant. Plus sonore. Plus sûr, aussi. Et plus lisse. Moins susurrant, sûrement moins chaleureux. On se heurte plus facilement à ces mots, à ces banalités.

Un instant s'écoule, parce que le temps est comme ça et que le silence l'aime bien, au temps. Souvent, ils s'embrassent comme ça entre les corps qui s'apprivoisent. Alors Brume les laisse faire. Brume les laisse s'embrasser entre l'air qui les sépare, tous les deux. Mais elle finit par se tourner vers l'intérieur, lassée de fixer non plus les arbres mais les vitres sales. D'un oeil faussement nocturne, elle balaye la cabane.

_Et le loup? Demande-t-elle.

Le chien, elle aurait du dire le chien. Mais Gwen ne fait plus attention à rien, et puis, c'était un loup pour elle. C'était un loup avant qu'il ne soit un puis deux et Ah, c'est si compliqué. Gwen ne comprend plus. N'étaient-ils pas un, n'était-ce pas un monstre gémissant? Eh, non. Un chien et un homme. Ah, la réalité qui reviens...

dorénavant, danny ne trouve rien d'autre d'intéressant que de regarder gwendolyn. il ne pense pas à la possibilité que ça puisse la gêner. en fait, il est bien trop curieux pour s'arrêter. danny se demande ce qui peut bien se cacher derrière ses traits. fins. un visage délicat, des yeux d'un bleu trop profond. il se heurte à elle, sans vraiment le faire exprès, comme si en s'approchant il avait perdu la notion de distance.
- désolé.
danny se recule, honteux. les joues un peu roussies, aussi. il glisse une main dans sa nuque et se recule davantage. conscient un peu qu'il est put brusquer la brune. pour se mettre plus à l'aise, oublier sa maladresse, danny regarde à nouveau par la fenêtre. mais danny enfin, tu t'en fiches de dehors. sa voix résonne une nouvelle fois dans la cabane usée. que dit-elle ? quel loup ? c'est alors que danny comprend. soudain. alors, il regarde son chien qui se tapie dans l'ombre, à l'affût mine de rien pour protéger son maître. de ses yeux tendres, danny fait comprendre à brand qu'il n'y a aucun soucis à se faire. alors, la bête s'allonge et se met sur le dos, pour se gratter. et inviter gwen à caresser son ventre. danny s'accroupit près de son fidèle compagnon. il lui caresse le haut du crâne et dis :
- approches, je crois qu'elle a envie de caresses.
danny lui tends même la main pour la mettre en confiance, au cas où gwen aurait une peur des chiens.

Un déséquilibre maladroit le pousse contre elle. Brume le regarde, presque bouche bée, des cliquetis de dynamite au bout des doigts. Sensation électrique, système nerveux en alerte au toucher d'un autre corps, au poids de ce drôle de type contre elle. Brume sourit. Rien, c'est rien, elle lui répond, frottant ses épaules de ses mains sous tension. Ses épaules toutes seules. C'est marrant, les joues de Danny s'allument d'un joli rouge de lampion de foire. Brume le regarde sans pudeur dans ses yeux, elle aime bien le regarder, l'ombre joue sur son visage, sur sa mâchoire, contre l'arrête de son nez. Elle lui caresse la peau, et Brume se dit qu'elle aimerait bien le frôler comme ça.

Sortie de sa songerie surréaliste, Gwen observe le loup à ses pieds se révéler à la lumière, s'allongeant sagement aux pieds de l'homme, qui se baisse et l'invite. Alors, Gwen, elle sourit, parce qu'elle aime bien les chiens. Ca lui rappelle quand elle était gosse, peut-être, hein? Ca lui rappelle ce berger allemand qui lui servait de sofa quand il s'allongeait sur le carrelage froid du hall, pendant que les grands se saoulaient à une table garnie, causant politique et basse psychologie.
Elle s'agenouille près du chien, et pose une main un peu timide sur son poitrail, glissant les doigts dans le poil de l'animal. La chienne remue la queue, assommant le parquet qui résonne en sourdine. Elle rit doucement, remontant une main câline près de ses oreilles.

Brume finit par relever le regard vers Danny, joyeuse. Elle passe une main-balayeuse dans ses cheveux pour y voir plus clair dans le noir. Et le sourire s'accroche à ses lèvres, reconnaissant et enfantin, un peu fasciné pour rien.